Témoignages

Blue Valentines (Tom Waits, 1978)


Samuel Valenzuela

June, 2021

Alfredo Futuro ou l’Art de la Fantasmagorie

La fantasmagorie, cette fantaisie colorée de surnaturel. « Il ministro della Fantasia ». Un personnage hors norme. Alfredo Futuro.

Comment ne pas être désarçonné par cette incroyable puissance fantasmagorique ? Comment décrire, sans mégalomanie exagérée, cet homme, cet artiste à la puissance créatrice ?

Sa fantaisie, une forme de folie avec cette interprétation de la surprise, immanente à son être, d’emblée et imperceptible .

Mais quelle est cette fantaisie folle qui a traversé nos vies ? Cette chose insensée, cette effervescence phénoménale, cette audace joyeuse, cette sensation d’être avec un artiste qui invente à chaque instant, qui crée avec brio et surtout magie.

Et quelle est cette arme extraordinaire qu’est la fantaisie ? C’est sa vision très forte de la vie, de sa vie, de ceux qu’il aime, de l’Art. Son fantasme absolu, cette folie indomptable, voilà sa propre fantasmagorie.

Sa force brutale qui permet de respirer ailleurs et d’ouvrir des horizons inconnus, surprenants, atypiques, enivrants. Cela nous permet de sortir de nos routes tracées, de ce qu’il convient de penser, voir, écouter ou lire.

Cette force de l’Art, indispensable à la vie. Ce plaisir infini des émotions générées par la force créatrice d’un grand Artiste comme Alfredo Futuro.

Aflredo Futuro ne cesse de chercher, d’inventer, de créer. Il inspire, nous bouscule, nous dérange. Il éveille en nous cette essence de joie, de fantaisie, de folie, c’est là toute sa magie.

Une devise imaginée : « Laisser la fantaisie prendre le contrôle ».


Loreto y Pablo

May, 2021

Anecdótico reencuentro de Alfredo Futuro y Pablo Adriasola, propiciado por Samuel y Nicolás en la casa de campo Littlewood (Borgoña, Francia), 10 años después del mítico viaje a Isla de Pascua el año nuevo de 2000.


Scarlett Vadepied

March, 2021

Les rencontres se succèdent, comiques, jamais ridicules, toujours émouvantes,
et se croisent dans les couloirs différents et familiers des « labyrinthes ».
Le vagabondage est incertain.
L’inattendu, la surprise, la curiosité font affleurer, par hasard,

« ce qui n’est pas soi,
ou
ce qui était là mais caché »
et qui s’échappe dans l’incontrôle.

On ne s’y attendait pas à cette bifurcation, à cette dynamite qui explose.

Approbation joyeuse de la vie.

Bousculade de la rencontre cadeau,
émergence artistique et réciproque de l’autre,
immédiate.

Un instant, tout s ‘aligne, fluide, insouciant, léger, fluide.

Prendre un train de nuit à l’improviste, à « la santa Maria Novella »
se réveiller le lendemain à Paris,
cueillir une fleur, ramasser une feuille, lier le tout,
traverser Paris à pied, sonner sans prévenir chez un ami…

il n’est pas là.

« pas grave »
laisser le bouquet dans la boîte aux lettres,
reprendre la ballade matinale sur les trottoirs mouillés,
sur un tempo impromptu.

« Pas grave ! », c’est aussi pour les jours les plus désespérés,
ceux qui touchent le fond du fond.

« Pas grave » la réalité est renvoyée dans ses cordes,
la voix très basse monte d’un ton
et change l’univers contre toute attente.

L’élégance ironique
précise et désinvolte
le style, la forme… le fond des choses ?
L’extérieur et l’intérieur en miroir.

Aristocratique, « céleste », fauché.
Elégance subtile du corps en mouvement entre ciel et terre,
Corps et âme au même rythme.

La langue unique, intuitive et transgressive.
Les phrases lâchées comme une rivière latine qui cherche son sens dans le courant.
Emprunteuse de mots inventés ou d’ailleurs.

L’écriture sur des papiers anciens, triviaux ou soyeux,
s’empare des mots très envahissants, s’étale sur tout l’espace.

L’encre noire de la calligraphie,butte sur les dessins/rochers,
contourne et enchaînne les longues phrases holistiques,
dont le sens flotte comme un nuage poudreux
au-dessus de la lettre paysage.

Rieuse ou désespérée. Les deux.

Le cheminement artistique « florentissime » jusqu’au bout des ongles,
permanent, têtu, lancinant sans doute,
emprunte les ruelles des palais protecteurs de la « Sérénissime ».
Ses vibrations très anciennes protègent,
empêchent quelquefois, elle est trop belle,
Energie inspirante, impalpable et mystérieuse,
pulsation artistique de l’envie de vivre.

Scarlett Vadepied

Eléonore Denis

March, 2021

Que de joyeux et merveilleux souvenirs !
Alfredo, charmantissime.
Affectueusement,
Eléonore Denis


Annette Coulom

March, 2021

À l’heure de l’adieu, en partant loin de toi, mes yeux se sont emplis tout à coup de lumière et je suis restée aveugle à force de pleurer.

Shiraz, poète persan né à Shiraz au 14ème siècle.


Blandine Gravelin

February, 2021

Paris, rue d’Argout, vers 1986 ou 7

Il y avait un piano dans l’entrée de l’appartement de la rue d’Argout, c’était la première chose qu’on voyait quand on entrait, impressionnés déjà par la porte cochère, l’entrée vaste, la loge au fond, Madame Marguerite qui vous perçait de l’oeil, et puis le grand escalier quand on montait à pied, au 2° étage, à droite, la sonnerie, la porte qui s’ouvrait.

Il y avait des fêtes.

En face habitait Patricio.

Parfois les deux portes sur le palier étaient ouvertes et on passait d’un salon à un autre, celui de Patricio couvert de tableaux à hauteur de regard, celui des Vadepied avec ses meubles poussés contre le mur pour la place de danser.

Alfredo est arrivé au milieu de tout cela et des fêtes comme une façon de météore, comme un enchanteur filou et farceur, comme la révélation brute de l’immense appétit qui vivait sournoisement dans tous les corps qui se rencontraient par là.

Alfredo avec son gilet rouge, son élégance, Alfredo qui s’amusait de tout, parlait comme s’il chantait, riait si fort, envoyait promener toutes nos réticences, tous ces préjugés, ces peurs, ces manières, ces convenances craintives, avec ce rire tout à coup il n’y avait plus rien de vrai que cette attraction magnétique pleine de vie gigantesque, comme si d’un seul coup tout le monde était ivre-mort de désir et d’amour.

Alfredo, cette folie douce et si puissante, comme c’était bon, et c’est encore là, en moi, en nous – ça nous a tellement faits !

Paris, Montparnasse, vers 1986 ou 7

Tu sonnais à la porte, une fleur à la main, en cachant dans un grand rire et trois doigts sur tes lèvres ton audace irrésistible, qui bousculait toutes les barrières. “Ma regarde, j’arrive…”

Tu as habité un temps chez moi.

J’essayais de rédiger ma thèse, je passais des heures à ma table de travail. Tu frappais, entrais et venais t’asseoir à côté de moi, tu regardais mes brouillons, mes gribouillis, tu questionnais. Ça faisait tout voler en éclats. Tout à coup c’était la vie qui était assise là, pouffant de rire, volubile, parfumée.

Le soir, tu enfilais ton grand manteau, ajustais ton foulard et ton chapeau magnifique, vérifiais longuement le tout dans le miroir et disparaissais dans la nuit.

Le matin je trouvais des messages, épinglés au mur ou roulés dans une chaussure ; et puis des fleurs ; des marques inattendues dans l’espace ; et des objets nouveaux, ramassés dans la rue ou surgis de tes mains, comme par magie, pendant la nuit, sans bruit.

Des cadeaux ; des blagues.

Après ton départ, tu étais encore là, je te sentais partout dans la maison. Il y avait ces traces que tu avais laissées mais autre chose aussi. J’arrivais chez moi, j’allumais dans l’entrée et soudain surgissait ta présence, invisible, tellement là ; il ne manquait que la voix et le chapeau. Un jour, j’ai mis le nez sur la toile du mur, près de l’interrupteur : tu y avais versé une réserve de ton parfum. J’ai éclaté de rire, diable malicieux.

Ta présence était d’une vérité et d’une intensité proprement exténuantes. Y résister était impossible. On ne pouvait que s’y abandonner ou s’enfuir, en trébuchant parfois. Tu étais le croche-pied de la grande blague de la vie. Stop : rire obligatoire, même désespéré.

Ton refrain, à l’époque, c’était : “Madonna, je suis un désastre.”

Oui, Alfredo caro. Tu l’es toujours, le seras toujours. Un parmi les plus beaux. Merci, merci.


Patricio Valenzuela & Eléonore Denis

1987

Patricio Valenzuela & Eléonore Denis en mémoire d’Alfredo Futuro (1987)

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Publishing Editor: Samuel Valenzuela